vendredi 16 mars 2018

La nostalgie est une chanson

Dans le petit magasin de terroir, fruits et légumes, fromages, œufs, pains, miel et confitures, glanant en cette seconde moitié du reste de ma vie entre les étals quelque produit de saison, j’ai soudain repris l’air magnétique diffusé par d’invisibles haut-parleurs, à voix basse, avec entrain, sans véritablement y prêter attention, My love has got no money, he’s got his strong beliefs, My love has got no power, he’s got his strong beliefs, et l’image, mémoire de mes presque trente ans, a surgi. Impétueuse ombre du passé, si cruelle aujourd’hui.

Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je fait dans l’inconscience de cette bête jeunesse quand il est venu à moi, foudroyé, désarmé, qui me balançais enivré sur la piste du Scorpion par la voix remixée d’une bombe d’un temps, reine à tout juste vingt ans de la pop synthétique qui alors saturait les clubs d’un Paris lumineux ?

Il avait dû m’offrir un verre évidemment, vite me voler un baiser et bien plus sûrement deux, Want more and more, people just want more and more, Freedom and love, what he's looking for, que je lui avais rendus parce que je les avais goûtés, et comme il ne dansait pas, ou n’osait pas, et que la soirée se muait en aube, il m’avait proposé d’essayer un autre ballet. Son carrosse était un lourd vaisseau fluide, pièce de collection déjà mythique en ces années 90 finissantes, déesse de l'asphalte — et je me souviens avoir aimé qu’il aimât les belles machines.

Nous l’avons joué ce ballet, plusieurs fois, Freed from desire, mind and senses purified, Freed from desire, dans la liberté de notre désir que nous espérions sans trêve, auquel nous rêvions de nous amarrer. J’étais impatient, je n’ai toujours pas compris ce que je voulais vraiment.

Il m’avait même donné un gage, confié pour un tour le volant de son palace roulant à la faveur d'un de ces week-ends pendant lesquels afin que nous puissions nous aimer il accourait de sa profonde province de l’Est. J’avais essayé sa DS comme il m’avait permis d’essayer sa vie.
Et puis un jour je ne sais plus ce que j’ai dit, Nana-nana-nana, un mot, une phrase, il est parti.

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