Certaines idées ont déjà germé en arrière-plan de mon cerveau. Elles sont encore fugaces, fantomatiques, mais je commence à les apercevoir. Et je commence déjà aussi, à penser, sans vraiment m’y attarder, à la forme que je pourrais adopter. J’engrange aléatoirement des jalons mentaux, sans ordonnancement ni choix, impressions, scènes, silhouettes, lieux, comme on accumule en vrac des photos dans un tiroir en se promettant de les trier, plus tard.
L’aspect positif de cette expérience, c’est que désormais, je sais ce que c’est que d’écrire un roman, d’un bout à l’autre. Une victoire, que j’ai sincèrement cru ne jamais pouvoir remporter. La ligne d’arrivée, que je connaissais — forcément, puisqu’on connaît toujours la fin de l’histoire que l’on raconte — ressemblait lorsque j’écrivais à l'horizon qui s’éloigne à mesure que l’on avance. Un mirage.
Aujourd’hui, j'ai éprouvé le degré de patience que cela exige, de concentration, de solitude aussi, car écrire c’est être seul, avec soi et ceux qui sont en soi, ceux que l’on a suscités et créés de toute pièce, ou dont on se souvient. C’est lutter pour capturer les idées qui jaillissent, lumineuses, et lutter encore pour ne pas les trahir à travers le clavier ; c’est invoquer les mots, provoquer la parole, questionner les sortilèges.
Et soigneusement se cacher au bord de la révélation.