vendredi 27 juillet 2018

L'épure

« Le vieil homme et la mer », texte dont j’avais évidemment maintes fois entendu parler, est avec « Pour qui sonne le glas » ou « Paris est une fête » par exemple — du même Hemingway — de ces romans si célèbres, dont les titres sont si extraordinaires, évoquant à eux seuls presque un univers, qu’ils sont entrés dans le langage courant.

Une autre leçon littéraire, de ces leçons à tiroir qui sidèrent l’aspirant écrivain, ne lui laissant à la lecture des derniers mots, « Le vieux rêvait de lions », qu’une certitude hébétée — celle de n’arriver jamais à la cheville du grand lion.

Sublime texte. D’une simplicité fulgurante. L’intrigue, le décor, la langue, les personnages, tout semble très simple, réduit au strict minimum, comme la taille du récit, très courte, moins de cent cinquante pages, et jusqu’à l’incipit qui emprunte aux contes de
fées : « Il était une fois un vieil homme, tout seul dans son bateau qui pêchait au milieu du Gulf Stream ». Et s’il s’agit bien d’un conte, en effet, il entre dès la phrase suivante dans la réalité la plus âpre. Mais qui a dit que la triste réalité de notre époque était exempte de magie ?

La magie de Hemingway, au cours de ce roman-là, se déploie dans l’atmosphère qu’il suscite, parfois très proche de certaines histoires des Mille et une nuits ; dans la providence qu’il fait surgir, improbable, comme celle du génie enfermé dans sa lampe ; dans l’amour inconditionnel que se portent les protagonistes, celui que le vieux porte à la mer et celui que l’auteur laisse en creux vibrer pour Cuba, où il a si longtemps vécu et tant pêché de poissons d’argent.

Ce graal littéraire, magie ultime qui les contient toutes — l’épure.

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