vendredi 29 juin 2018

Et avec François Sagat meurt la lutte contre le sida

En 2009, il y a presque une décennie, presque un siècle, étaient encore régulièrement diffusées des campagnes de prévention contre le sida, qui n’étaient certes pas toujours très originales, parfois même maladroites, mais qui avaient le mérite d’exister, de sensibiliser et surtout de maintenir une sorte d’alerte rémanente dans l’inconscient collectif — notamment celui des homosexuels masculins — en martelant que la maladie était toujours là, mortelle, et que pour l’éviter, aussi pesant que cela puisse être, il était essentiel de garder le réflexe du préservatif.

À l’époque, une série de vidéos avait été créée, dont l’une assez mémorable puisqu’elle mettait en scène un acteur porno français bien connu du milieu gay, François Sagat. Ce garçon n’avait jamais versé dans le barebacking, qui pourtant se répandait déjà à la vitesse grand V, y compris dans les productions américaines auxquelles il participait. Il avait alors prêté sa plastique et sa « renommée » à ces clips de prévention plutôt coquins et bien troussés. Le message était clair : « si dans mes films pornos je mets une capote et du gel, toi, lors de tes plans cul, tu peux faire pareil ».

Le retentissement médiatique et sa portée symbolique avaient été importants et, puisque l’on s’en souvient près de dix ans plus tard, efficaces.

Aujourd’hui, tout cela vient d’être balayé par une autre vidéo, un porno pur et dur cette fois-ci, dans lequel l’acteur en question, bien qu’il eût annoncé quelques années auparavant s’être retiré de cette industrie, vient pour la première fois, officiellement en tout cas, de s’adonner au bareback.

Nous avons vraiment changé d’époque. Nul n’ose le dire, mais désormais dans la vie courante, rares sont ceux qui mettent encore un préservatif, même pour un rapport occasionnel ou sans lendemain. Les progrès de l’ingénierie pharmaceutique sont passés par là. Outre le fait que les trithérapies sont (à tort) de plus en plus considérées comme une capote chimique, « se propage l’idée qu’il est beaucoup plus safe de baiser sans capote, dès lors qu’on est sous PreP ou qu’on a pour partenaires des séropositifs sous traitement. Au contraire, il se dit que la capote peut se déchirer et que ceux qui l’utilisent font statistiquement moins souvent de tests et sont donc susceptibles d’être des séropositifs qui s’ignorent. Voire qui savent, mais qui mentent ».

Voilà donc un système de valeurs totalement inversé, pour ne pas dire perverti, dans lequel mettre une capote devient suspect. Et notre François Sagat, qui était une espèce d’icône de la lutte contre le sida, peut-être parce qu’il a besoin d’argent, brade sans frémir ce statut pour entamer à l’aube de la quarantaine une seconde carrière dans le porno bareback. Et avec lui meurt un peu plus le combat pour le port du préservatif...

Signe des temps, pas une ligne nulle part sur le sujet, hormis cet article de PinkTV.

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